mardi 11 octobre 2016

Le choix d’interdire les pauvres…

Fondation Mère Sofia
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Lausanne, le 29 septembre 2016

 

Le choix d’interdire les pauvres…

Une position inacceptable
pour la Fondation Mère Sofia

Par crainte de la communauté Rrom, d’une mafia qui organiserait la mendicité, le Grand Conseil vient de voter une loi visant directement les plus pauvres, les plus démunis… Ce faisant, nos élus prouvent tout d’abord qu’ils sont fort mal informés. De fait, aucune des enquêtes menées sur le quotidien des Rroms à Lausanne n’a jamais réussi à démontrer l’existence d’un réseau mafieux profitant des plus faibles. Ce qui est vrai par contre, c’est que la culture Rrom valorise l’esprit de clan et la famille. Aussi, les maigres sommes récoltées dans la rue peuvent parfois être rassemblées et consacrées à la vie communautaire. Il est vrai aussi que la loi autorise déjà la police à confisquer une partie de toute somme d’argent trouvée dans les poches d’un étranger n’ayant pas de domicile et ne bénéficiant d’aucune autorisation de séjour. Ces prélèvements servent alors à garantir tout ou partie du paiement des contraventions et autres amendes, seuls documents officiels dont ces populations ne manquent pas. Aussi, les mendiants préfèrent ne pas garder leurs pièces sur eux et peuvent tenter de mettre en sécurité quelques francs en organisant, au sein de la famille, une récolte régulière. Ces brèves considérations viennent contredire les à priori tenaces que nous avons sur ces populations. Il en est un qu’il serait également bon de dénoncer : les Rroms ne sont de loin pas les seuls à être réduits à la mendicité.

Mal informés donc. Si c’était là leur seul tort ! La décision du Grand Conseil manque aussi terriblement de discernement. Retirer leur dernier moyen de subsistance aux plus précarisés est non seulement indigne d’un état de droit mais également peu judicieux. Quels effets et conséquences pouvons-nous espérer dès l’entrée en vigueur de cette loi ? Un appauvrissement d’un réseau mafieux imaginaire ou une recrudescence des vols à l’étalage et de l’insécurité ? Interdire aux plus démunis de tendre la main ne les fera pas disparaître. L’extrême pauvreté n’est pas un mythe ou une condition réservée à des pays lointains et exotiques. Malgré l’enviable situation économique de notre pays, des personnes y vivent dans un extrême dénuement. Laisser le choix aux passants de donner une pièce ou d’offrir un sandwich, c’est aussi permettre une rencontre, une discussion… Chacun étant libre de donner ou de ne pas donner… dans cette optique, interdire la mendicité revient à nier le droit fondamental que chacun a à vivre, à exister socialement et à se battre pour sa survie.

A ceci, on pourrait objecter que ces personnes sont prises en charges dans nos villes, qu’on leur donne à manger, parfois un lit, qu’on leur permet de se laver et d’obtenir des soins, qu’on leur fournit des habits… C’est vrai. Le réseau d’aide d’urgence existe à Lausanne. Il prend en charge des misères variées et un nombre infini de profils différents : personnes âgées ne touchant que le minimum vital, jeunes étudiants désargentés, familles percevant un maigre revenu, personnes présentant des troubles psychologiques/psychiatriques, personnes en situation de toxicodépendances ou souffrant d’autres addictions, à l’alcool notamment…  Et ce réseau déborde déjà de toute part. Les structures d’aide d’urgence arrivent encore tout juste, pour l’instant, à garantir la prise en charge minimale de la majorité des personnes vulnérables. Mais ces structures n’ont pas vocation à réinsérer ou à limiter la présence dans les lieux publics des bénéficiaires. Elles essaient de satisfaire les besoins de base des êtres humains qui viennent à elles. Si elles ne parviennent plus à fournir ces prestations en raison d’une affluence trop importante, les personnes qui ont faim prendront la nourriture là où elle se trouve.

Au niveau humain, social et même financier, le coût de cette loi sera important. Elle apparaît comme une aberration quand on se penche sur les chiffres des structures sociales qui œuvrent dans ce secteur. Pour ne parler que des entités de la Fondation Mère Sofia, la Soupe Populaire accueille et offre chaque soir un repas à plus de 220 personnes, l’Echelle soutient socialement et alimentairement plus de 230 familles et au travers de ces familles environ 500 personnes dont plus de 200 enfants et adolescents. Parmi ces personnes, un nombre infini de profils et d’individualités… Certaines ne viennent que ponctuellement, quand elles ne trouvent pas d’autres solutions, d’autres viennent quotidiennement, laminées par une société qui ne leur reconnait plus le droit d’exister dignement.

Entre les votations qui enterrent la progression des rentes AVS, les décisions du parlement fédéral qui augmentent la vulnérabilité des personnes âgées et cette loi révoltante, la semaine est rude pour les personnes vulnérables. Et pour nous, sur le terrain, ces changements ne peuvent qu’annoncer une catastrophe humaine et sociale. Notre tâche est, quant à elle, et petit à petit dépouillée de de ses attributs : si la dignité n’est plus à l’ordre du jour, la survie reste-t-elle un droit ?

Directeur général
Yan Desarzens

 

 

Pour toutes informations :
Yan Desarzens, directeur générale : 078 823 01 71
Véronique Eichenberger, directrice adjointe : 078 888 51 59

 

 

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