mardi 19 juin 2012

M’en sortir, tel que je suis, là où j’en suis…

Fondation Mère Sofia

Quelqu’un m’a dit un jour: «Ce n’est pas parce que tu ne mets pas de mots sur des faits ou des sentiments qu’ils n’existent pas! » Pourtant, nous avons tendance à reproduire ce déni, notamment face aux précarités, comme si nous voulions les faire disparaître sans même nous interroger sur les causes profondes. Même constat lorsque l’on veut éclipser les toxicomanes de nos places publiques ou encore interdire la mendicité dans nos rues.

Bien sûr, la précarité et la souffrance dérangent. Pourtant, vouloir les éradiquer en essayant juste d' »éliminer » de notre champ de vision les personnes qui les vivent, c’est leur nier le droit à toute dignité et au respect. C’est leur refuser aussi le droit au changement, leur barrer la route d’une possible prise de conscience, celle que leur vie pourrait être différente, plus digne.

Les politiques sociales et les associations s’activent justement à comprendre les causes de l’exclusion; elles travaillent à faire sortir les personnes de la précarité et à les réinsérer dans la société. Bien souvent, ces mesures tendent vers une réinsertion professionnelle.

Il est pourtant des situations de marginalisation appelant simplement à maintenir la personne en vie. Seule une certaine forme physique permet d’entamer le travail menant à « la mettre debout à l’intérieur ». Cette approche, dénommée bas seuil, est parfois difficile à saisir: elle heurte notre envie d’efficacité à court terme. Si la prise en charge institutionnalisée et traditionnelle suffit pour redonner un élan dans la vie de certains, d’autres n’arrivent pas, matériellement ou socialement, à intégrer des cadres traditionnels de par leurs dysfonctionnements internes.

La Fondation Mère Sofia est active auprès de ces personnes « hors cadre » depuis près de vingt ans via une approche bas seuil, à savoir la prise en charge des personnes là où elles en sont. Son but? Faire évoluer leur destin sans juger ce qu’elles sont!

Dans ce champ d’action, il est un public dont il faut particulièrement prendre soin: les jeunes marginalisés. Dur d’accepter l’idée que des jeunes, voire de très jeunes adolescents, ont une vie faite de ruptures, de multiples dépendances, de violences! Avec son entité Le Parachute, contractualisée en 2011 par l’Etat de Vaud, la Fondation Mère Sofia travaille pour atteindre un objectif: rendre ces jeunes conscients du fait que leurs émotions peuvent s’exprimer par le dialogue, l’échange, et non plus par la violence, l’agressivité ou les paradis artificiels.

Comment ? En les aidant à prendre conscience qu’ils sont, en libre arbitre, maîtres de leurs gestes; en les incitant à l’autonomie responsable dans leur vie. Cela demande du temps: recommencer, encore et encore, sans baisser les bras! S’il est légitime de leur demander d’assumer une forme de responsabilisation au lieu de les assister, le regard sur les exclus de la société doit aussi changer: il s’agit de ne pas détourner la tête ou passer son chemin.

Ada Marra, Présidente de la Fondation Mère Sofia
(Chronique publiée dans le journal 24Heures du 24 juin 2011)